La gestion de biens immobiliers est en plein boom en France. La profession de régisseur est plus discrète en Belgique. Alain Lacourt explique les raisons d'un tel décalage.
Comme c'est devenu la tradition en cette saison automnale, l'Immo du Soir organisait son Petit-déjeuner annuel le 10 novembre dernier, afin de parler d'un sujet d'actualité en présence de professionnels du secteur. Cette année, ce sont surtout des agents immobiliers qui étaient intéressés par la question du jour : l'admini-stration de biens immobiliers et la profession de régisseur d'immeubles. Pour l'occasion, un consultant en ingénierie patrimoniale, Alain Lacourt, avait été convié afin de faire le point sur l'évolution de ces prestations de service... en France. En effet, cette activité de régisseur est en pleine expansion dans l'Hexagone et il semblait intéressant de développer les caractéristiques d'un métier auquel le Belge recourt finalement (trop ?) peu.
Les acteurs de la prestation de services
Alain Lacourt a tout d'abord planté le décor : en effet, en France, le marché des prestations de service dans l'immobilier comporte plusieurs acteurs. Dans un premier temps, il faut citer le syndic chargé de gérer les copropriétés. Une profession que l'on retrouve également en Belgique et qui fait l'objet actuellement d'assauts de la part de sociétés françaises . Ainsi, Foncia a pris une participation de 95 % dans les parts du plus grand syndic du pays, Algemeen Beheer. Et elle est en train d'absorber une série d'autres agences moyennes afin de se positionner comme leader du marché sur notre territoire.
Autre segment sur le marché des prestataires de services immobiliers : celui des locations saisonnières. Relativement peu développé en Belgique, si ce n'est sur le littoral belge (et peut-être aussi en Ardenne), le secteur des locations saisonnières en France est nettement plus vaste, au vu des nombreuses destinations touristiques et de l'imposante capacité d'accueil existant à cet égard chez nos voisins.
Enfin, troisième grand segment , celui de la gestion d'immeubles. Comme l'explique Alain Lacourt, « Il s'agit pour un propriétaire de déléguer l'intégralité de la gestion de son bien immobilier destiné à la location à un prestataire de services que l'on désigne en France sous le vocable d'administrateur ou régisseur de biens. Ce dernier dispose d'une carte professionnelle distincte de celle d'agent immobilier dont la spécificité est la transaction immobilière. Les tâches centrales de l'administrateur de biens consistent à rechercher des locataires pour les biens dont il a la gestion et à signer les baux. Il effectue les états des lieux, s'occupe également de l'entretien de l'immeuble, des réparations éventuelles en contactant et en sélectionnant les corps de métier. Il réalise les formalités fiscales inhérentes à la location, sélectionne les offres d'assurances et conclut les contrats,... Bref, l'intégralité des tâches qu'un propriétaire devrait prendre en charge s'il louait lui-même son bien. »
Des opérateurs de grande taille envahissent notre marché...
Le marché français de la gestion de biens est en pleine expansion : certes il y a bien la petite agence du coin qui gère quelques biens immobiliers, avec l'aide d'un employé et d'une secrétaire. Mais il y a également sur ce marché des opérateurs de taille, des groupes cotés en Bourse, tels Foncia, avec 600.000 logements en gestion, 7.000 salariés, 260 agences réparties sur le territoire de l'Hexagone.
Alain Lacourt poursuit sa description du dispositif : « Pour couvrir les risques inhérents à une telle activité, les administrateurs de biens souscrivent des assurances visant à couvrir la vacance locative, le non-payement des loyers (après un certain laps de temps) et la dégradation du bien à concurrence d'un certain montant, augmentant ainsi la garantie des rentrées dans le chef des propriétaires. Bien sûr, cette couverture des risques a un coût : les primes d'assurance sont de l'ordre de 3 % des loyers lorsqu'elles sont souscrites par l'administrateur de biens pour l'ensemble de ses clients, faisant ainsi jouer l'effet de masse. À titre de comparaison, elles avoisinent les 6 % lorsque l'assurance est souscrite de manière individuelle.
Avec ce système, un propriétaire qui a acheté un immeuble destiné à être loué perçoit donc un revenu locatif sans aucune implication de sa part, si ce n'est un investissement de capitaux lors de l'achat et le placement du bien en gérance. L'immobilier devient dès lors un produit financier à part entière, un fonds de pension individualisé à la portée de Monsieur et Madame Tout-le-Monde.
En 2004, sur les 330.000 logements mis en construction en France, 50 % étaient destinés à la location. Et il ne faut pas s'étonner de voir se profiler, derrière des groupes comme Foncia ou Gestrim, des banques mutualistes ou des caisses d'épargne-retraite ».
Un coût attractif en France, dissuasif en Belgique
Reste évidemment le nerf de la guerre : le coût de telles prestations de services. « En France, le coût des services d'un administrateur de biens s'élève à 8 % de commission sur les loyers décaissés, à partager entre le locataire et le propriétaire : 3 % à charge du locataire et 5 % à charge du propriétaire, mais qui a la faculté de déduire des revenus locatifs les frais d'honoraires de l'administrateur de biens, ce qui ramène ce coût à 3 %.
Il faut savoir qu'en France, ce sont les revenus locatifs réels qui sont taxés, à la différence de la Belgique où le précompte immobilier, qui vaut taxation sur les loyers, se calcule sur base du revenu cadastral. Dès lors, dans le système français, la déductibilité des charges locatives, dont le coût de l'administration du bien, est possible. Par ailleurs il existe toute une série de dispositions fiscales nouvelles qui encouragent ce type d'investissements. »
Cette différence de régime explique peut-être la frilosité des propriétaires belges vis-à-vis d'un tel système. Sans doute le besoin de logements sur le marché locatif est-il moins important en Belgique, vu le nombre de propriétaires de leur logement familial.
Il s'agit aussi d'une question de mentalités : le Belge préférera généralement se charger lui-même de la gestion locative pour ne pas avoir à payer de commissions (chez nous, de l'ordre de 6 % auxquels il faut ajouter la TVA).
Pourtant, dans un certain nombre de cas de figure comme celui de personnes âgées, le recours à un régisseur de biens pourrait s'avérer une solution lorsque la gestion d'un immeuble s'avère une trop lourde charge. Ce qui laisse entrevoir chez nous des débouchés pour une telle activité.
des associations belges et européennes à tous niveaux
La profession des agents immobiliers se structure à divers niveaux sur le plan européen et national. Voici quelques échelons.
Cepi : Conseil européen des professions immobilières. Il s'agit d'une ASBL de droit belge dont le siège se situe à Bruxelles. Cette association représente les principales associations et instituts nationaux d'agents immobiliers et d'administrateurs de biens des États membres de l'Union européenne et de l'espace européen.
Elle regroupe deux associations : la Ceab ( Confédération européenne des administrateurs de biens, ASBL) et l'Epag ( European property agents groups, ASBL).
Le Cepi représente environ 200.000 professionnels immobiliers européens soit 36 associations dans 22 pays.
Ceab : Confédération européenne des administrateurs de biens. Cette ASBL regroupe la plupart des associations professionnelles nationales d'administrateurs de biens dans l'Union européenne. Elle a édicté un code de conduite européen et s'attache à promouvoir l'amélioration du niveau professionnel de l'administrateur de biens et à développer les critères minima de formation, les normes professionnelles de l'admission et de l'exercice de la profession, avec comme objectif final la qualité de la formation générale de chaque administrateur de biens dans chacun des pays européens.
En Belgique, ses membres actifs sont :
la Chambre syndicale professionnelle des administrateurs de biens (CSA),la Fédération nationale des administrateurs de biens (Fnab),l'Institut professionnel des agents immobiliers (IPI).
CSA : Chambre syndicale belge des administrateurs de biens. Dans la région bruxelloise, les syndics de copropriété et les régisseurs d'immeubles sont regroupés en une organisation professionnelle d'administrateurs de biens connue sous le signe CSA. À ses débuts en 1967, elle était reliée uniquement à la Chambre de commerce et d'industrie de Bruxelles. Elle participa à la création de la Fédération nationale des administrateurs de biens (Fnab) et est un membre fondateur de la Ceab. Elle entend regrouper les connaissances, faire respecter la déontologie, fournir un meilleur service aux consommateurs et améliorer les conditions de travail. Des conférences et des séminaires sont organisés à cette fin.
La CSA est membre de la Commission nationale paritaire des concierges, elle offre à ses membres l'utilisation d'un service de dépannage pour prêter assistance aux copropriétaires en dehors des heures de bureaux, 24 h sur 24. Elle publie régulièrement des brochures et informations dans les deux langues nationales. Elle a élaboré un contrat d'assurance standard pour la couverture de biens en copropriété et des contrats et documents à usage de ses membres.
Fnab : Fédération nationale des administrateurs de biens. Les syndics de copropriété et les régisseurs d'immeubles sont regroupés au sein d'une fédération professionnelle qui fait partie intégrante de la Confédération des immobiliers de Belgique (CIB) ; la Fnab, à l'instar de la CSA, a pour objectif de regrouper tous les membres belges de la profession qui observent sa déontologie et ses règles. La Fnab s'occupe également d'établir une garantie financière pour ses membres pour le compte de leurs clients. Elle entend défendre les intérêts des administrateurs de biens et de leurs clients auprès de leurs collègues agents immobiliers dans le cadre des structures professionnelles communes régissant la profession.
Un des membres de la Fnab est l'Absa.
Absa : Association belge des syndics et administrateurs de biens. Cette association a été créée en 2003 par douze gestionnaires de copropriétés bruxellois. Ensemble, ils représentent 25 % des copropriétés gérées dans la Région de Bruxelles-Capitale. Cette association défend la profession de syndic et son amélioration et prône une certification « Qualité syndic ».
Ne pas confondre syndic et régisseur
Sous la dénomination très vaste d'agents immobiliers, il y a non seulement les personnes qui vendent ou louent des immeubles, mais aussi des syndics de copropriété et des régisseurs. Trois fonctions très différentes au point que des syndics souhaitent se séparer des agents immobiliers pour créer une profession à part. Un mouvement peu suivi pour l'instant.
Le syndic de copropriété gère des immeubles
Concernant les syndics de copropriété, beaucoup parlent de gérants d'immeubles, mais le terme prête à confusion avec les régisseurs, c'est-à-dire les professionnels qui effectuent une gestion de biens pour le compte d'autrui.
Le syndic doit assumer la bonne marche des installations techniques d'un immeuble ou d'un ensemble d'immeubles divisés en appartements. Il doit surveiller l'état du bâtiment, veiller à l'harmonie de la vie en commun. Pour cela, il doit connaître l'acte de base appelé aussi « règlement de copropriété » qu'il doit faire respecter et veiller à son interprétation par tous les copropriétaires : répartition des frais communs, achats, réparations, modifications des parties communes, etc. Le syndic doit donc posséder des connaissances techniques, juridiques et comptables.
Le régisseur gère pour autrui des biens immobiliers...
On l'appelle régisseur ou bien administrateur ou encore gestionnaire de biens immeubles ou de droits immobiliers qui lui sont confiés. Il travaille pour le compte du propriétaire qu'il représente vis-à-vis du locataire et des tiers.
Selon l'Absa (voir ci après), « il recherche un locataire, rédige et signe le bail, effectue les indexations, les rappels, les décomptes de charges. Il est le seul correspondant avec le locataire, lequel lui signale, le cas échéant, les problèmes techniques auxquels il serait confronté et les résout, soit directement, soit par l'envoi au propriétaire d'un devis détaillé des travaux à réaliser.
Il informe également le propriétaire des nouvelles réglementations et lui propose, par devis, de mettre le(s) bien(s) en conformité avec celles-ci. Il rend compte de sa gestion périodiquement et verse les fonds recueillis au propriétaire, après avoir honoré les factures de petites réparations et les charges éventuellement envoyées par un syndic.
Il peut être chargé également : de travaux divers, de poursuivre un locataire défaillant en justice, d'établir des réclamations en matière de précompte immobilier, d'obtenir, en cas de gros travaux, d'éventuels subsides des organismes concernés.
Enfin, il peut être chargé aussi de vendre le bien puisque, mieux que quiconque, il le connaît et peut en établir la juste valeur ».
Selon, le code de déontologie de l'IPI, le régisseur n'effectue de paiements pour le compte du commettant que sur présentation de pièces justificatives. Le transfert des sommes reçues s'effectue d'après les modalités convenues par écrit, éventuellement sous déduction des frais et honoraires. Un décompte est établi au moins une fois par an. Sauf convention contraire, tous les travaux à effectuer doivent être soumis pour approbation au commettant et ne peuvent être commandés qu'après que le régisseur s'est assuré qu'il dispose des moyens financiers nécessaires.
L'IPI précise aussi que le régisseur conserve tout document important jusqu'à cinq ans après la clôture de chaque dossier locatif, sauf autres dispositions légales ou contractuelles. À la fin de sa mission, l'agent immobilier transmet le dossier au propriétaire de même qu'un inventaire détaillé et daté, établi en deux exemplaires et signé par toutes les parties concernées.
Enfin, toujours selon le code de déontologie, le régisseur veille, en accord avec son commettant, à ce que le locataire du bien immobilier en question puisse bénéficier d'une exécution correcte du bail, afin de lui assurer une habitabilité ou une jouissance normale du bien.
Lien de l'article daté 17 nov.2005: archives.lesoir.be/une-profession-peu-connue-regisseur_t-20051117-001RP9.htlm