LA FONCTION DE REGISSEUR DE CHATEAU.
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Anecdotes vécues dans le cadre de ma fonction de régisseur de château...

Quelques-unes des anecdotes vécues dans le cadre de ma fonction...

1/Anecdote lombalgique...

Après le bon abbé angoissé, voici une anecdote relatant la visite semi-officielle de la feue Comtesse de P. dans une vaste propriété des ardennes belges où j'étais alors en charge. En cette fin de matinée automnale, muni de mes jumelles dernier cri, j’ai dans mon point de mire: son lumineux équipage qui s'annonce du bout du village et la grande allée qu’elle empruntera bientôt… où trône, en son beau milieu, une impressionnante souche fraîchement débarquée d’un récent convoi!

Je fonce sans demander d'aide…D’un coup rageur, je la transbahute seul, sur le bas côté. Le temps de remettre de l’ordre à mes habits, voilà déjà l'invitée qui parait…

J’ouvre la portière, l'accueille d’un baisemain forcené… qui me transforme, illico, en tour de Pise humaine! (Ne riez pas… la vraie, elle, n’est décalée que de 4 mètres par rapport à son axe!)

Cassé en deux, je tente malgré tout de reprendre ma posture originale de mammifère bipède, il le faut, mais las… 

Elle, ne se rendant trop compte de rien, me trouvant même plutôt obséquieux:

"Relevez-vous Régisseur! C’est ridicule!"

Moi, penaud :"Je ne le puis, Madame...!"

J'avais l’allure du bossu historique du film d'Hunebelle!

Plus tard, cette rayonnante princesse au regard si bleu songera gentiment à prendre des nouvelles de mon échine, qu’indirectement, sa charmante visite avait malmenée.

2/Une anecdote glissante...

Au début, la baronne 'de’ ne se montra qu’à peine ravie de cette flambante trottinette rouge, équipée d’un klaxon, que j’empruntais chez elle, épargnant astucieusement les semelles de mes coûteux haut de chausses. Par gain de temps, je parcourais donc, en ce léger équipage, ses interminables couloirs, bordés de deux ou trois dizaines de poteries que sa tante Agathe lui délaissa à sa mort et que cette châtelaine détestait copieusement! (Je parle des potiches…). 

Un beau jour, en se gardant bien de m'en avertir, on revit à la hausse le cirage des parquets… Déboulant en pleine ligne droite, parcourant là ‘mon circuit vitesse' favori jouxtant ces merveilles, j’entamai une longue glissade, tous membres écartés, ventre au sol et, …patatras!

A son retour, la jeune baronne s’émut joyeusement de se trouver là, si heureusement débarrassée de son encombrant héritage!

3/ Une anecdote 'roulante'...

Le prince d’A’, héritier d’un grand nom au siècle passé, cherchait au mieux, à organiser la veille de ses noces, en présence de nombreux sérénissimes.

Estimant la distance qui séparait l’entrée de sa propriété jusqu’aux premières marches de son palais, il fit tenir dans l’accotement herbeux, et tout du long de ses interminables allées, de petits paniers d’osier renfermant de délicieux en-cas. Ses illustres invités, en files bien rangées, en ce prestigieux apanage les conduisant là, pourraient ainsi, selon son plan parfait, patienter élégamment...

Ils se sustenteraient là tout du long, dans l’attente d’agapes autrement prometteuses, un bon km plus loin…

Assurément, pendant leur progression, ils rongeraient alors délicatement autre chose que leurs freins surchauffés produit par le train de sénateur les menant aux pieds du château…

Il ne fut négligé qu’un tout léger détail : le gaz d’échappement des rutilants carrosses équipés de nombreux cylindres! Empruntant cette vaste allée princière, leurs vapeurs odorantes ruinaient petit à petit l’onctueux foie gras des toasts dont ce n’était pas du tout la tasse de thé!

Les passagers conversant d’une voiture à l’autre, bien vite, plus personne ne se risqua à s’en sustenter! C’est à peine si les chauffeurs, que cette attente rendait nerveux, ne voulurent pas se dégourdir les jambes en confondant ces petits paniers joliment enrubannés avec de vulgaires ballons de foot!

On me compta que, plus tard, indiscrétion d'office) ordre fut donné d’engraisser la meute ou quelque mauvaise auge avec ces luxueux reliefs!

Diantre ! Fauchon au pays des cochons…

C'était là du jamais vu!


4/Anecdote scabreuse...

Vers mes 22 ans, de taille bien prise, donc, lors d’un stage en Angleterre, je connus un majord'homme qui officiait à Clarence House chez la feue reine-mère d'Angleterre : 'queen Mum' pour les intimes de la perfide Albion. Il y était ‘station head waiter’, ce qui équivaut à peu près à ‘maître d’hôtel en chef ‘ chez nous. Il y enseignait précieusement l’Art de la table.

Toujours tiré à quatre épingles (j’irais même jusqu’à 7…), tel un précieux cerf-volant, il virevoltait autour de ses élèves les plus charmants.

Sous sa conduite sourcilleuse, il fallait dresser pour différents types de services. A mon encontre, il ne se déparait jamais d’un petit sourire en coin...

Vers la fin de sa classe, en le saluant, j’allai lui demander, doutant quelque peu de mon anglais, ce qu’il voyait de si drôle sur mon visage… Il me répondit sans sourciller, l’air so british:

«Oh ! I do not want to make that to look, because, to see it is to believe, but to smell it is to be sure !»

Ce qui doit signifier à peu près:

"Oh ! Je ne veux pas faire que ( vous ) regarder, car voir c’est croire, mais… sentir, c’est être sûr !"

Ca tombait mal pour lui… Je quittais définitivement le lendemain!

Il dut donc se sentir tout seul!


5/Anecdote comportant une heureuse chute...

Un jour qu’il me faisait visiter l’une de ses résidences, face au vaste château de ses prestigieux ancêtres, et dont le triste état n’avait plus rien de princier, sans mes secours, cette digne altesse faillit casser sa noble tronche en quittant précipitamment une plateforme humide!
En ma compagnie, il était désireux de s'assurer de l’état de délabrement d'une plate-forme. Aussitôt, je décidai de l’en prémunir en l’arrimant à ma personne fort virilement, le retenant de mes deux mains par le col de sa veste en tweed. Autant vous dire qu'elle perdit, dans l'affaire, un peu de sa superbe! 

L’instant d’après, la corniche alla chevaucher,15 mètres plus bas, un ravissant boulingrin du parterre qui fleurissait les pieds de l'antique bâtisse! (Il me souvient que pendant l'opération de sauvetage, il faillit périr une seconde fois, quasi étranglé, dans l'empressement que je mis à le retenir par le cou!)

Vous vous rendez compte? Je n’aurais plus jamais pu regarder Stéphane Bern dans les yeux;)

N’empêche, par la suite, à chaque fois qu’il m’accueillit, il me donnait toujours du : «Aaaah ! Voilà mon sauveur

Comme il n’hésitait jamais à le proclamer en société, chacun se demandait de qui ou de quoi Votre Serviteur avait bien pu le sauver. (Il est aujourd'hui décédé... de mort naturelle.)


6/Anecdote toute en retenue...

Lors d’une ronde ‘d’après visite’, la gouvernante d'un petit château que je n'aimais pas (je ne parle pas de la demeure...) remarque une vitrine légèrement forcée et la disparition d’un cachet de cire aux armes du lieu. Immédiatement, elle fit patienter le car bondé, grilles fermées à double tour, tant qu’un de ses occupants ne s’était pas dénoncé. (Les laissant seuls avec leur problème, et… afin d’en faciliter la solution.)

Un quart d’heure plus tard, le chauffeur vint la trouver, l’objet entre les mains. Il avait fait le ménage, pressé de repartir…

Pour le récompenser, elle lui offrit une carte-vue du château glissée dans une enveloppe... cachetée! 

7/Anecdote qui finit bien...

Un jeune propriétaire, frais désigné d’un an pour cause de primogéniture, avait exiger de moi qu’on ne laissa plus rentrer sa propre mère au château! Agée déjà, celle-ci s’était donc sagement retirée dans une modeste dépendance rafistolée, à la limite du domaine.

J’étais donc devenu son geôlier ‘à l’envers’. Peu dans ma nature, en cette circonstance surtout, ce rôle m’insupportait assez! Un jour qu’elle avait besoin d’une aiguillère armoriée, offrant une réception en ses quartiers sans prestige, elle vint me trouver, attendant d’elle–même dans la cour. Après avoir timidement heurté l’huis, plantée devant les marches menant à l’office, elle se tenait figée dans l’encadrement ensoleillé. Elle patientant là, l’air résigné.

Quand nos regards se croisèrent, je vis dans ses yeux une grande détresse, qu’en quelque sorte, elle m’adressait sans la dire. Servie, elle repartit, la démarche hésitante, l'air d’une mendiante éconduite à qui l’on vient de refuser une tartine. L'air las, elle semblait cheminer sans direction, l'argenterie pendant tristement au bout d'un bras. A cet instant, je me jurai, quand l’occasion m’en serait donnée, de réunir à nouveau ce fils et cette mère.

Deux mois plus tard, l’occasion me fut fortuitement donnée de les rassembler: un addendum important les concernant, et à remettre au notaire, devait, après lecture ‘à voix haute’ devant eux deux, selon l’indication du clerc, être revêtu de leurs signatures. Pour l’occasion, je plaçai des fleurs sur mon bureau, et disposai leurs sièges pas trop éloignés l'un de l'autre. Bientôt, ils entrèrent là, silencieux, sans même un regard à s’adresser.

L’ambiance était lourde et suintait de leur profond malaise à être réunis là. Néanmoins, aucun des deux ne rectifia sa place en s’asseyant. Sitôt cette formalité terminée, après quelques banalités d’usage, tout à trac, je leur parlai en confidence de ma mère que j’avais perdu l’année d’avant, et des regrets qu’on formule toujours de ne s’être pas assez parlé… qu’après, il est bien tard … J’enchaînai par ceci, ayant prévu, dès après, de les laisser face à face : «et moi, justement, j’en connais deux qui ont bien des choses à se dire et qui n’y arrive pas, faute d'endormir leur orgueil imbécile!»

Sur ce, je me levai d’un trait et quittai la pièce rapidement, surprit moi-même de mon effet. Dès après, rien ne bougeant, ni ne se faisant entendre pendant de longs instants qui me parurent des siècles, je crus bien avoir échoué. Puis, soudain, des bruits de chaise, des pleurs; puis, de lourds sanglot qui venaient de loin.

Cela prit du temps...

Enfin, ils quittèrent la place, l’air rassérénés, se séchant les yeux d’un petit mouchoir de fine dentelle amarante qu’ils s’échangeaient tendrement.

Dès qu’elle me revit dans la cour, la baronne s'approcha de moi d’un bon pas. Je me demandais encore ce qu'elle me voulait quand, sans crier gare, elle m’embrassa sur les deux joues!

Mission accomplie, content de mon affaire, j’allais déjà, par la grande allée, serviette sous le bras, rapporter à l’étude cet acte inconditionnel de… paix retrouvée! A mi-chemin, je me retournai, percevant encore leurs joyeux échos.

Je les vis  bras grands ouverts, s'accueillant chaleureusement l’un l’autre! Sans doute voulaient t-ils rattraper le temps perdu…

Il était temps que je m’éloigne…

"La vraie noblesse s’acquiert en vivant et non pas en naissant." G.Bouchet, sieur de Broncourt.

8/Anecdote pas très catholique...

C’était un dimanche matin, tôt. Je sacrifiais ce temps mort à l’une de mes tocades: redorer les arabesques ciselées du chapiteau de la grille d’entrée d’un vaste domaine jouxtant l’église d’un petit bourg des ardennes belges.

A bout d’ouvrage, je décidai, tout à trac, de faire profiter d’un surplus de ma mixture, la piteuse rampe rouillée de l’escalier de pierre qui menait à la maison divine.

Mon oeuvre terminée à ce temple voisin, je vis son gardien arriver d’un pas léger. De loin, il me toisait quelque peu. Bon diable, à mon approche, il me sourit en soulevant sa barrette de feutre gris. Puis, enfouissant bientôt le bréviaire qu’il lisait jusque là en la longue poche de son ecclésiaste habit, il me fit, malicieusement:

«C’est à l’intérieur que je préfèrerais vous voir 

Je n’ai pas osé rétorquer que je ne croyais qu’en «mon château... pourvu lui aussi de sa propre chapelle»!

Peut-être voulait-il me confesser de cette initiative si chrétienne? On ne le sut jamais! L'instant d'après, il disparut derrière la lourde porte de son église, remisant son énorme clé au mousqueton accroché à son large ceinturon de cuir brun.

Ce dimanche-là, il me sembla que les cloches sonnèrent mieux à mes oreilles que d’habitude...

In : "Histoires de lieux d'Histoire"

G.D.

 

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